NOS RACINES

  • En créant en 1989 l’AMOPF nous savions que nous devenions héritiers d’une longue tradition liant les médecins d’origine polonaise à la France. Le Professeur W.Czerucki nous rappelle l’histoire glorieuse de nos ancêtres, qui ne peut que nous rendre fiers
    • Trois facteurs historiques ont contribué à la création et au sort mouvementé de l’Association Parisienne des Médecins d’Origine Polonaise: échecs des insurrections polonaises contre la tyrannie russe en 183O/1831 et en 1863 et la défaite française contre la Prusse en 187O/1871. Après l’insurrection de 1830-1831, de nombreux patriotes polonais trouvèrent refuge en France attirés par l’amitié, la fraternité et l’accueil des Français. Une grande partie de l’élite intellectuelle polonaise se retrouva ainsi à Paris et parmi elle de nombreux médecins et étudiants en médecine. L’amitié et la « fraternité d’armes » avec les médecins français qui travaillaient à coté de Polonais pendant cette terrible guerre ont motivés la plupart des émigrés.Parmi les nombreux médecins français, rappelons quelques uns qui, comme Joseph F. Malgaigne et Scipion Pinel (médecin-chef de l’Hôpital Ujazdowski dans Varsovie insurgée) tous les deux décorés de la Croix Virtuti Militari, ainsi que Alexandre J.F.Bierre de Boismont, Jean B. de Chamberet, François Foy, ont participé activement à l’insurrection de Varsovie. En Pologne au moment de l’insurrection ils soignèrent avec un grand dévouement les blessés et les malades et publièrent pour les quatre derniers d’entre eux un mémoire sur l’épidémie de choléra en Pologne pendant cette période. Au total, on dénombra 250000 victimes de cette épidémie dans l’Empire Austro-Hongrois en 1831. Parmi les jeunes patriotes polonais émigrés en France, il se trouvait des médecins mais aussi des étudiants en médecine. Ces derniers eurent la possibilité de terminer leurs études dans les Facultés de Médecine françaises tant à Paris qu’à Montpellier et certains d’entre eux furent diplômés dès 1833. On dénombra bientôt 300 médecins au sein de la communauté polonaise. Leur nombre allant croissant, ils éprouvèrent bientôt la nécessité de se regrouper au sein de différents groupes. Le plus actif de ces groupes, à l’initiative des docteurs Adam Raciborski (1809-1871) et Adrian Baraniecki (1828-1872), créa en 1858 l’Association Parisienne des Médecins Polonais. Cette Association fit paraître des Annales en 1859, 1860 et 1868. Son Secrétaire Général, le Docteur Raciborski fit l’introduction du premier volume ou il exposa le dilemme de ses compatriotes partagés entre leur devoir de citoyen français et leur attachement à leur pays d’origine « en veillant à la gloire de la Patrie occupée et en essayant de réunir les réalisations de Polonais dispersés dans différents pays ». En relisant ces annales, imprimées à la Librairie Polonaise, 2O rue de la Seine à Paris, on constate combien ce but a été réalisé. On y trouve non seulement des publications de médecins d’origine polonaise installés en France, mais aussi des publications de médecins exerçant à Warszawa, Lublin, Hrubieszów, Szczawnica, Wieden, Charków, Kijów. Ces publications contribuaient grandement à conserver des liens entre la Pologne sous la botte de l’occupant et la France. Pour unifier le vocabulaire médical polonais, l’Association prit contact avec les Comités chargés de ces questions à Varsovie et à Cracovie, ainsi qu’avec un Centre Culturel très actif de Wilno. Cependant, la plupart des communications ont quand même été réalisées en France. Il est impossible de mentionner toutes ces publications, il faut toutefois citer le travail d’Adam Raciborski : »Histoire du progrès diagnostique et thérapeutique dans la pneumonie et la pleurésie depuis Hippocrate jusqu’à Laënnec ». Ce travail a été traduit en plusieurs langues, notamment en Anglais, Allemand, Russe, Espagnol et Italien. En 1858, L’Association ouvre sa propre bibliothèque grâce aux dons de riches Polonais installés à l’étranger. Ainsi, le Prince Czartoryski a offert 1000 francs de l’époque et Seweryn Galezowski, chirurgien, ancien professeur de la Faculté de Wilno, une collection de livres médicaux.Malheureusement, l’activité de l’Association subit une décroissance importante jusqu’à 1865, surtout à cause de l’insurrection de 1860 en Pologne qui a détourné l’attention des Polonais vivant en France sur le problème essentiel, à savoir, la libération de leur Pays. Tous les jeunes médecins d’origine polonaise sont rentrés à cette époque en Pologne, et leur faible nombre en France ne permettait plus de continuer l’action de l’Association. Quand, à la suite de circonstances malheureuses (l’écrasement de l’insurrection en 1863) les Polonais ont été de nouveau obligés de chercher refuge à l’étranger, l’activité de l’Association a repris de nouveau grâce aux efforts personnels du Docteur Adrian Baraniecki.Les réunions ont eu lieu dans la Clinique Ophtalmologique du Docteur Galezowski chaque premier samedi du mois et c’est également dans cette clinique sise rue Dauphine que la première bibliothèque a été installée. La première réunion a eu lieu le 21 février 1865 et au cours de la réunion suivante du 2 mars un nouveau Conseil d’Administration a été institué. Ce Conseil d’Administration a décidé d’envoyer une partie de ses publications à la Gazette Médicale de Varsovie, d’organiser l’aide médicale pour les Polonais habitant Paris, ainsi que de faciliter la participation de médecins polonais dans des Congrès internationaux.Ces buts ont été atteints – les médecins Polonais de France mais également de Pologne, de Lituanie, d’Oural, de Moscou et de Pétersbourg, ont eu l’opportunité de présenter leurs travaux au cours de plusieurs Congrès Internationaux dans les années 1863-1867.En étudiant la liste des membres de l’Association en 1868, nous apprenons qu’ils étaient au nombre de 53 ; la plupart vivant en France, mais également en Italie, Allemagne, Angleterre, Roumanie ainsi qu’à Poznan ou en Galicie (Cracovie). Le troisième volume des Annales de l’Association s’ouvre sur un grand rapport d’Adrian Baraniecki intitulé: »Le travail des médecins polonais vivant en permanence ou temporairement en France entre les Années 1861 et 1868″. Durant cette période, 19 Polonais ont acquis le titre de Docteur en Médecine à Paris et 1 à Montpellier. Une centaine d’articles médicaux a été publiée à cette époque par des médecins polonais. Rien que Ksawery Galezowski, ophtalmologiste mondialement connu et rédacteur du premier journal ophtalmologique de France, Journal d’Ophtalmologie, a publié 25 travaux . Les travaux des médecins Polonais ont été présentés aux réunions de l’Académie des Sciences et l’Académie de Médecine à Paris, certains ont été effectués au Collège de France dans les Laboratoires de Claude Bernard, d’autres enfin arrivaient du « bout du monde » comme par exemple le travail du Docteur Swiecicki de Minsk, alors en Lituanie, au sujet du choléra. La bibliothèque s’enrichit également; beaucoup de livres ont été offerts et beaucoup de livres médicaux ont quitté la bibliothèque Polonaise de Paris pour rejoindre la bibliothèque de l’Association.La guerre Franco-Prussienne de 1870 interrompt l’activité très animée de l’Association, les Annales cessent de paraître. Les médecins polonais en France payent leur dette vis à vis de l’accueillant peuple français s’engagent dans l’Armée Française, viennent en aide aux blessés et aux malades , exactement comme leurs collègues français l’ont fait en Pologne. Du grand nombre de médecins militaires, nous nous limiterons à mentionner Gustaw Tarnowski, Trésorier de l’Association qui sert dans le 5ème Régiment de Hussards et dans le13ème Régiment de Cavalerie. Ksavery Galezowski est promu Chevalier de la Légion d’Honneur pour faits de guerre et reçoit la nationalité française que l’on attribue également à Edward Landowski pour son activité de médecin dans Paris assiégé. Jan Stella-Sawicki est décoré de la Croix Militaire pour son travail de médecin-chef de l’Hôpital Militaire dans Strasbourg assiégée. En 1993, 135 ans après la création de l’Association, trois épais volumes des Annales se trouvent sur les rayons de la Bibliothèque Nationale à Paris, jamais touchés par une main humaine comme en témoignent les pages non coupées.Ces trois volumes sont également mentionnés dans les catalogues du CNRS. De la réflexion sur ces pages jaunies est nés le désir et le besoin de rappeler aux contemporains l’action de leurs ancêtres sur « les pavés de Paris ».